1959, DE LA VILLE LUMIÈRE A LA VILLE ÉTERNELLE

20 février 2024 - 14:00

La belle affiche (I/IV)

L’arrivée sur la Promenade des Anglais le 10 mars prochain envoie une invitation au mois de juillet, lorsque l’arrivée finale du Tour de France sera jugée pour la première fois loin de Paris, sur la place Masséna de Nice. Les archives de la Course au soleil révèlent un autre point commun avec le parcours de la Grande Boucle 2024, puisque sa 17e édition emmenait le peloton depuis Paris jusqu’à Rome, en passant par Nice mais aussi Florence. En ce début de saison 1959, la « Course des deux capitales » a donné lieu à un duel avorté entre Jacques Anquetil et Roger Rivière, à la révélation d’une jeune garde avec les deux vainqueurs (oui, oui !) Jean Graczyk et Gérard Saint et à de spectaculaires coups manqués comme la frustrante déconvenue de Gastone Nencini, chez lui dans la capitale toscane. Récit en quatre épisodes d’une aventure franco-italienne mouvementée… et unique.

La course des deux capitales, première

Dans le paysage des années 50, Jean Leulliot fait partie des organisateurs innovants, et a d’ailleurs relancé en 1951 la Course au soleil sous le nom de Paris-Côte d’Azur, tout comme il a créé le Tour de France féminin de 1955. La concurrence avec L’Equipe, organisateur du Tour de France, le pousse à la créativité, en particulier pour des expériences internationales. En 1956, le jumelage unique de Paris avec Rome, sur le slogan « Seule Paris est digne de Rome ; seule Rome est digne de Paris », fait germer l’idée d’un Paris-Nice à rallonge. Et les Romains n’y sont pas insensibles pour l’édition 1959, puisqu’ils sont en pleine préparation des Jeux Olympiques de 1960. Le montage de l’opération se fait avec l’aide du journal L’Aurore, qui parraine la course côté français, et en Italie du Corriere delle Sport, rival quant à lui de la Gazzetta dello Sport, organisateur du Giro. Reste que les plans de Leulliot se heurtent à un règlement de l’UCI qui interdit de modifier le format des courses existantes. Il le contourne en divisant le parcours en deux courses, Paris-Nice et Menton-Rome, la deuxième étant uniquement ouverte sur invitation aux participants de la première. Pour cette édition d’exception, les coureurs sont réunis sur la Place de l’Hôtel de Ville à Paris, en présence de Jean-Louis Vigier, président du conseil municipal et de M.Agostini, premier adjoint au Maire de Rome, mais aussi du héros de la coupe du monde de football 1958, Just Fontaine.

Raphaël Géminiani, en compagnie du footballeur Just Fontaine
Raphaël Géminiani, en compagnie du footballeur Just Fontaine © PRESSE SPORTS
Le départ de l’épreuve est pour la première fois sonné sur le parvis de l’Hôtel de Ville de Paris
Le départ de l’épreuve est pour la première fois sonné sur le parvis de l’Hôtel de Ville de Paris © PRESSE SPORTS
Le recordman de l’heure Roger Rivière, déterminé à rivaliser sur tous les terrains avec Jacques Anquetil.
Le recordman de l’heure Roger Rivière, déterminé à rivaliser sur tous les terrains avec Jacques Anquetil. © PRESSE SPORTS

Le duel Anquetil-Rivière, choc de l’année

Jacques Anquetil a déjà remporté son premier Tour de France en 1957 et s’est surtout affirmé comme un rouleur d’exception, imprenable sur le rendez-vous du Grand Prix des Nations et recordman de l’heure durant l’été 1956. Mais au palmarès de cette épreuve très prisée, c’est Roger Rivière qui a donné un coup de vieux à la performance d’Anquetil (47,346 km vs 46,159 km), ce qui lui vaut la récompense de « champion des champions français » de L’Equipe pour le millésime 1957. Si les deux années précédentes n’ont pas pu être exploitées en raison de chutes et de son incorporation au Bataillon de Joinville, le Stéphanois est annoncé comme la valeur montante du peloton français, capable de rivaliser et pourquoi pas de battre Anquetil à la régulière sur le Tour. Or les deux hommes se sont rarement affrontés jusqu’ici et pour le coup d’envoi de la saison 1959, on ne voit qu’eux. Chez Helyett-Leroux, le Normand a le soutien de Darrigade, Forestier, Stablinsky et Graczyk, tandis que les Saint-Raphaël-Géminiani regroupent le vieux « Gem », le jeune Saint et Everaert autour de Rivière. Dans la première étape, peu de temps avant l’arrivée à Giens, Rivière fausse compagnie au peloton pour rejoindre l’arrivée avec le groupe de tête, prend la troisième place et distance légèrement les autres favoris : « Ces 14 secondes-là ont plus d’importance qu’elles n’en laissent paraître. Il faudra que ces messieurs mes grands rivaux viennent me les reprendre », retranscrit L’Equipe du lendemain.

Le recordman de l’heure Roger Rivière, déterminé à rivaliser sur tous les terrains avec Jacques Anquetil.
Le recordman de l’heure Roger Rivière, déterminé à rivaliser sur tous les terrains avec Jacques Anquetil. © PRESSE SPORTS
L’affiche de Paris-Nice-Rome, c’est le match entre Rivière et Anquetil.
L’affiche de Paris-Nice-Rome, c’est le match entre Rivière et Anquetil. © PRESSE SPORTS
Rivière prend le premier l’avantage dans son duel avec Anquetil.
Rivière prend le premier l’avantage dans son duel avec Anquetil. © PRESSE SPORTS

Vito Favero joue des coudes

Cinq équipes italiennes sont engagées sur cette édition d’exception, la formation la plus en vue, Carpano, étant emmenée par Nino Defilippis et Gastone Nencini. Mais qu’il s’agisse de jouer les étapes ou le classement général, il y a toujours une carte transalpine qui sort du peloton. À Moulins, c’est Vito Favero, la grande surprise du Tour 1958 (2e), qui s’impose sur un sprint pourtant très irrégulier. Bien que l’Irlandais Seamus Elliott ait fini sa route dans les barrières, aucune réclamation n’est déposée et l’Italien remporte son premier bouquet. Le deuxième, conquis à l’arrivée de la 5e étape à Manosque, ne suscite aucun débat. Entre temps, c’est une échappée à forte consonnance italienne qui se présente pour la gagne à Uzès (étape 4) : Armando Pellegrini sort victorieux d’un sprint en faux-plat montant dans le centre-ville, pendant que Pierino Baffi s’empare du maillot blanc de leader… pour une journée.

À Manosque, Vito Favero remporte une deuxième étape sur Paris-Nice-Rome.
À Manosque, Vito Favero remporte une deuxième étape sur Paris-Nice-Rome. © PRESSE SPORTS
La formation Carpano aligne les deux favoris italiens Nino Deflippis et Gastone Nencini.
La formation Carpano aligne les deux favoris italiens Nino Deflippis et Gastone Nencini. © PRESSE SPORTS
Armando Pellegrini remporte lui aussi deux étapes sur Paris-Nice-Rome, la première à Uzès.
Armando Pellegrini remporte lui aussi deux étapes sur Paris-Nice-Rome, la première à Uzès. © PRESSE SPORTS

Une seconde de mieux pour Maître Jacques

Roger Rivière a bien tenté quelques démonstrations de force, du côté de chez lui à Saint-Etienne par exemple en distançant momentanément tout le monde en vue du col de la République, en début d’étape et juste pour le plaisir. Mais aucune attaque décisive n’a encore fait la différence lorsque les deux plus grands rouleurs du monde se présentent au départ du contre-la-montre tracé d’Uzès à Vergèze. La distance un peu courte de 27 kilomètres fait râler Anquetil, qui s’estime aussi un peu juste physiquement en début de saison. Pour autant il sait que la confrontation du jour aura valeur de référence. Sur ce rendez-vous capital, ce sont bien les deux favoris attendus qui dominent nettement : avantage Anquetil, pour seulement une seconde.

Dans L’Equipe, on estime qu’Anquetil a surtout préservé son statut en s’imposant sur le contre-la-montre.
Dans L’Equipe, on estime qu’Anquetil a surtout préservé son statut en s’imposant sur le contre-la-montre.
Anquetil remporte à Vergèze son unique succès sur l’édition 1959 de la Course au soleil.
Anquetil remporte à Vergèze son unique succès sur l’édition 1959 de la Course au soleil.
Jacques Anquetil, ici sur un chrono du Tour de France.
Jacques Anquetil, ici sur un chrono du Tour de France. © PRESSE SPORTS

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